mardi 31 juillet 2012

40 massacres et un enterrement … 27 juillet

Débarqués du bus à 5H30 du mat, nous pouvons même nous rendormir un peu à la Wisma Imanuel, notre guesthouse. Quelle n’est pas notre surprise de retrouver au petit-déjeuner Christophe, notre ami belge-sud-Af rencontré 3 semaines plus tôt !

Sur Sulawesi, en pays Tana Toraja, 95% de la population est chrétienne ; l’enterrement d’un proche représente l’évènement majeur des pratiques religieuses aux connotations ancestrales.
A Kete Kesu, nous avons la chance (!?) d’assister à la journée des sacrifices de buffles, qui vient quasiment clôturer les 5 jours de célébration d’une vieille dame issue d’une famille noble, décédée un an auparavant. Car dans la tradition locale, le respect pour les morts est immense.
En effet, durant les jours précédents, les enfants de la défunte ont nourri gratis quelques 4.000 invités ; pour cela, quelques 800 cochons auront été mis sur le flanc, une broutille !!!
On brûle les cochons morts avant de les découper.

Sans oublier que ces mêmes enfants ont fait bâtir un immense village éphémère à “usage unique” pour les accueillir, exactement dans le même style et à la décoration aussi raffinée que leurs habitations permanentes.

Comme l’ampleur des moyens mis en oeuvre est exceptionnelle (imaginez la note totale !), ce jour est connu de tous les guides, et les touristes affluent en masse.
Mais après 3 heures de célébration, nous serons les seuls “blancs” à rester ; l’occasion d’offrir à un des 10 enfants de la morte une cartouche de Kretek (cigarettes au clou de girofle) en guise de remerciements.

Mais passons au choses sérieuses : chaque famille noble invitée est venue avec un buffle qui piétine la prairie parmi ses congénères attendant leur triste sort. Le maître de cérémonie comptabilise le nombre d’animaux et sa répartition par village ; car il doit impérativement respecter l’équité et la susceptibilité de chacun.
Comme il s'agit d'un enterrement chrétien,
un prêtre supervise discrètement la cérémonie.
Et c’est parti pour la boucherie”en direct live”: au micro est annoncé le nom de la famille offrant le buffle ; le bourreau attache à un arbre une patte du premier et plus beau buffle albinos ; il soulève le museau de la bête, marque un signe sur la gorge de celui-ci, et d’un coup sec… tranche la carotide.

Le sang gicle partout, le buffle s’écroule, tente de se relever, puis s’affale pour ago- niser durant 2 à 3 bonnes minutes ; mais, sans attendre, un autre buffle est attaché et sacrifié ! Au bout d’une demie-heure, un “tas” de buffles morts s’amoncèle dans un bain de sang ; les bourreaux, clope au bec, s’éloignent de quelques mètres et … recommencent une autre série d’animaux.


Assez incroyable : les buffles vivants ne sont pas effrayés par le sort qui les attend ; ils viennent tranquillement renifler leur petit copain déjà sur le flanc !

Au total, plus de 40 buffles seront sacrifiés ce jour là ; avec une valeur moyenne de 60 millions de rupiah (5.000€) et jusqu’à 20.000€ pour les albinos, le lecteur de ce blog comprendra aisément que l’enterrement de chaque Toraja peut être considéré comme l’étape fondamentale de toute une vie. Le chemin vers l’éternité a un prix !
Pendant ce temps, le cerceuil et l’effigie hyper-réaliste de la défunte (son tau-tau) veillent sur la cérémonie, dans sa propre tongkonan contruite spécialement pour son enterrement ; on vient même se faire prendre en photo à ses côtés, ambiance un peu spéciale !
La défunte dans son pavillon veille sur les offrandes.
Thierry doit bien avouer qu’au bout de 3 heures, il ne se sent pas très bien au milieu des cadavres gisants de ces placides animaux, du sang partout, et de l’odeur nauséabonde qui s’en dégage par 30°C.
Mais bon, cette tradition va perdurer encore des siècles ; en effet, si vous avez offert un buffle pour l’enterrement du vieux copain, les enfants de celui-ci économiseront pour en offrir un en retour lors de votre mise en bière.
Petite pause déjeuner hors de ce village, histoire de retrouver ses esprits ; mais, curieux jusqu’au bout, nous revenons sur le site du massacre en milieu d’après-midi. Munis de couteaux aiguisés, les hommes détachent la peau avec précision, découpent les morceaux de chaque carcasse à même le sol ; ceux-ci seront offerts en retour au donateur du buffle puis répartis selon la hiérarchie des castes de son propre village. Un peu compliqué tout cela, mais parfaitement organisé.



Bon, ça patauge dans le sang et on ne fait pas de vieux os ; direction Londa; il y a là beaucoup de cercueils anciens, des crânes humains, mais pas l’odeur de la mort !


Même pas peur : pour le dîner nous mangerons du cochon et du buffle !!!
Dans notre cantine, le Rimiko

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