Sur Sulawesi, en pays Tana Toraja, 95% de
la population est chrétienne ; l’enterrement d’un proche représente l’évènement
majeur des pratiques religieuses aux connotations ancestrales.
A Kete Kesu, nous avons la chance (!?)
d’assister à la journée des sacrifices de buffles, qui vient quasiment clôturer
les 5 jours de célébration d’une vieille dame issue d’une famille noble,
décédée un an auparavant. Car dans la tradition locale, le respect pour les
morts est immense.
En effet, durant les jours précédents, les
enfants de la défunte ont nourri gratis quelques 4.000 invités ; pour cela, quelques
800 cochons auront été mis sur le flanc, une broutille !!!
On brûle les cochons morts avant de les découper. |
Sans oublier que ces mêmes enfants ont fait
bâtir un immense village éphémère à “usage unique” pour les accueillir,
exactement dans le même style et à la décoration aussi raffinée que leurs
habitations permanentes.
Comme l’ampleur des moyens mis en oeuvre
est exceptionnelle (imaginez la note totale !), ce jour est connu de tous les
guides, et les touristes affluent en masse.
Mais après 3 heures de célébration, nous serons les seuls “blancs” à rester ; l’occasion d’offrir à un des 10 enfants de la morte une cartouche de Kretek (cigarettes au clou de girofle) en guise de remerciements.
Mais après 3 heures de célébration, nous serons les seuls “blancs” à rester ; l’occasion d’offrir à un des 10 enfants de la morte une cartouche de Kretek (cigarettes au clou de girofle) en guise de remerciements.
Mais passons au choses sérieuses : chaque
famille noble invitée est venue avec un buffle qui piétine la prairie parmi ses
congénères attendant leur triste sort. Le maître de cérémonie comptabilise le
nombre d’animaux et sa répartition par village ; car il doit impérativement
respecter l’équité et la susceptibilité de chacun.
Et c’est parti pour la boucherie”en direct
live”: au micro est annoncé le nom de la famille offrant le buffle ; le
bourreau attache à un arbre une patte du premier et plus beau buffle albinos ;
il soulève le museau de la bête, marque un signe sur la gorge de celui-ci, et
d’un coup sec… tranche la carotide.
Comme il s'agit d'un enterrement chrétien, un prêtre supervise discrètement la cérémonie. |
Le sang gicle partout, le buffle s’écroule,
tente de se relever, puis s’affale pour ago- niser durant 2 à 3 bonnes minutes ; mais, sans attendre, un autre buffle est attaché et
sacrifié ! Au bout d’une demie-heure, un “tas” de buffles morts s’amoncèle dans
un bain de sang ; les bourreaux, clope au bec, s’éloignent de quelques mètres
et … recommencent une autre série d’animaux.
Assez incroyable : les buffles vivants ne
sont pas effrayés par le sort qui les attend ; ils viennent tranquillement
renifler leur petit copain déjà sur le flanc !
Au total, plus de 40 buffles seront
sacrifiés ce jour là ; avec une valeur moyenne de 60 millions de rupiah
(5.000€) et jusqu’à 20.000€ pour les albinos, le lecteur de ce blog comprendra
aisément que l’enterrement de chaque Toraja peut être considéré comme l’étape
fondamentale de toute une vie. Le chemin vers l’éternité a un prix !
Pendant ce temps, le cerceuil et l’effigie
hyper-réaliste de la défunte (son tau-tau) veillent sur la cérémonie, dans sa
propre tongkonan contruite spécialement pour son enterrement ; on vient même se
faire prendre en photo à ses côtés, ambiance un peu spéciale !
La défunte dans son pavillon veille sur les offrandes. |
Thierry doit bien avouer qu’au bout de 3
heures, il ne se sent pas très bien au milieu des cadavres gisants de ces
placides animaux, du sang partout, et de l’odeur nauséabonde qui s’en dégage
par 30°C.
Mais bon, cette tradition va perdurer
encore des siècles ; en effet, si vous avez offert un buffle pour l’enterrement
du vieux copain, les enfants de celui-ci économiseront pour en offrir un en
retour lors de votre mise en bière.
Petite pause déjeuner hors de ce village,
histoire de retrouver ses esprits ; mais, curieux jusqu’au bout, nous revenons
sur le site du massacre en milieu d’après-midi. Munis de couteaux aiguisés, les
hommes détachent la peau avec précision, découpent les morceaux de chaque
carcasse à même le sol ; ceux-ci seront offerts en retour au donateur du buffle
puis répartis selon la hiérarchie des castes de son propre village. Un peu
compliqué tout cela, mais parfaitement organisé.
Bon, ça patauge dans le sang et on ne fait pas de vieux os ; direction Londa; il y a là beaucoup de cercueils anciens, des crânes humains, mais pas l’odeur de la mort !
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Bon, ça patauge dans le sang et on ne fait pas de vieux os ; direction Londa; il y a là beaucoup de cercueils anciens, des crânes humains, mais pas l’odeur de la mort !
Même pas peur : pour le dîner nous mangerons du cochon et du buffle !!! Dans notre cantine, le Rimiko |
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